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Rated: 13+ · Novel · Tragedy · #2022608
I am a mother who lived the horror to read the autopsy of her daughter.

1.

Il est sept heures ce mercredi matin. Je viens tout juste de me lever et m’apprête à passer une journée comme les autres. Je me prépare un café quand soudain des voix résonnent à l’extérieur. On frappe à ma porte. A cette heure-ci, ce ne peut être que ma fille avec ses copines. Et la seule chose que je me demande est ce qu’elle fait là de si bonne heure. Décidément, depuis qu’elle a eu 18 ans quelques mois plus tôt, elle fait un peu n’importe quoi. Elle a voulu avoir son propre appartement, pour échapper à mon contrôle sûrement, mais cette liberté nouvelle semble la griser. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle ne s’est pas couchée de la nuit, ou elle est déjà debout ? Je me dirige vers la porte d’entrée avec ces interrogations en tête, prête à lui faire connaître ma désapprobation et à la bombarder de questions.

Mais ce que je découvre en ouvrant la porte me cloue d’effroi. Ce n’est pas elle. Je découvre là 3 policiers municipaux et une voisine en pleurs. Rapidement, devant mon regard interrogateur et avant que je n’ai eu le temps d’émettre un son, l’un d’eux me demande mon identité puis avance en me faisant reculer vers l’intérieur de l’appartement tout en disant : « Votre fille est décédée dans un accident la circulation cette nuit ».

Cataclysme psychique. Mon cerveau ne raisonne plus. Je ne pleure pas, je ne souffre pas. Je suis au-delà de ça, assommée, presque inconsciente. Il y a quelques secondes, j’allais ouvrir la porte à ma fille, je m’apprêtais presque à l’engueuler…. Mais ce n’était pas elle. Et tout à coup, je dois prendre conscience que ce ne peut pas être elle, que ce ne sera plus jamais elle.

Le policier me parle mais je n’entends pas ce qu’il me dit. Les connexions de mon cerveau ne s’effectuent plus, comme bloquées sur les premiers mots que m’a dits ce policier, juste après que j’ai ouvert la porte :

- Votre fille est décédée cette nuit… Accident de la circulation.

Puis soudain, une angoisse intense monte de mes entrailles et la question fuse brutalement : « Est ce qu’elle a souffert ? » Je veux qu’il me dise non, pitié qu’il me dise non. Mais la réponse est bredouillée par le policier. Il me faut une réponse claire. Alors je repose la question : « A-t’elle souffert ? Dites-moi ». Le policier qui parlait jusque là baisse la tête, et un tout jeune me répond, hésitant : « Non ». Leur attitude me persuade du contraire. Non, pitié, pas ça ! Mon pauvre bébé.

Mais les policiers ne me laissent pas le temps de m’écrouler. Ils m’ont mis un téléphone dans la main et me demande de prévenir quelqu’un pour qu’il vienne. Mais à qui je vais aller raconter une histoire pareille ? Je ne réfléchis pas trop, la première personne qui me vient à l’esprit est celle que je devais voir le jour même, ma collègue et amie.

C’est elle, et non moi, qui préviendra mes amis, ma famille. Je m’en sens incapable. Moi, il me faut prévenir le père de ma fille. Je me sens vide de l’intérieur, incapable d’aligner deux paroles sensées, et pourtant il faut que je trouve les mots, le ton. Ils n’étaient pas très proches elle et lui, il vit loin, a refait sa vie, a une femme et trois autres enfants. Il n’est certes pas aussi impliqué que moi, mais je suis consciente que je lui assène un coup de massue même si j’ai tenté de le préparer à la nouvelle : « il s’est passé quelque chose de grave … je suis désolée d’avoir à t’apprendre une telle nouvelle par téléphone … il y a eu un accident … » Et puis la phrase qui va le laisser sans voix : « elle est décédée ». Dans le silence qui s’ensuit, je crois que je bredouille un : « bon, je te laisse ». Quoi que je dise de toute façon, je suis persuadée qu’il ne l’a pas entendu. Je sais dans quel état il est. Je connais cet état de torpeur.

Les heures passent mais, pour moi le temps s’est arrêté à 7 heures ce matin. La famille, les amis sont arrivés. Les gens s’affairent autour de moi. Tout va très vite et s’enchaîne. Les obsèques s’organisent. Et je suis au milieu de tout ça, inerte. Je ressasse toujours la même scène comme si je voulais me persuader l’avoir rêvée, ou imaginée et que j’allais tout à coup revenir à la réalité où elle ne se sera produite. Cette scène où le policier avance vers moi et prononce :

- Votre fille est décédée cette nuit… Accident de la circulation.

Et tout ça tourne et retourne dans ma tête. Je suis assaillie de questions et de sentiments divers et contraires : de l’abattement à la colère. Des sentiments qui se succèdent sans laisser place à la douleur. Ou plutôt pour éviter la douleur, l’insupportable douleur.

Et celui qui prédomine est la colère, contre moi, contre ma fille. Oui, je lui en veux. Que fichait-elle en pleine nuit sur son satané scooter ? Je lui avais pourtant dit de ne pas s’en servir la nuit. Et cette désobéissance continuelle, cet acharnement à ne pas suivre mes conseils depuis des mois. Toutes ces bêtises d’adolescentes dans lesquelles elle se complaisait. Je savais qu’elle se cherchait et que cette étape était une phase de la construction de soi. Mais elle avait les bonnes cartes en main et elle a tout gâché. Je lui en veux. Je voudrais pouvoir lui crier ma rage. Alors je hurle, intérieurement : «C’est donc là que tu voulais aller ? Toutes ces conneries depuis des mois, c’était pour finir comme ça ? »

Et puis, il y a la colère face à ma propre impuissance : je n’ai rien maîtrisé, pas su contrôler ma propre fille, pas su faire passer les messages, et surtout je n’ai pas su la protéger. Si seulement, nous pouvions revenir en arrière. Je me serais battue avec elle s’il l’avait fallu pour l’empêcher de monter sur cette saloperie de scooter cette nuit-là.

Et puis la colère s’estompe un moment et mon esprit s’égare. J’en suis consciente mais ne parviens pas à me raisonner. Je suis face à l’inconnu, ce que nous ne pouvons concevoir avec certitudes : la mort. Le rapport à cette mort inconcevable m’apporte son lot de questions métaphysiques, des questions qui ne me quitteront plus. Et cette perte de mes certitudes me mènent aux portes du paranormal : Pourquoi mon mental n’a t’il pas pressenti le danger ? Dans un lien fort comme le nôtre, j’aurais dû ressentir sa peur au moment de l’accident. Et mon esprit aurait dû agir de toute sa puissance pour la protéger. Je rage de ne pas avoir ce pouvoir. Mais là encore constat d’impuissance. Il n’existe ni sixième sens, ni force surnaturelle. A l’heure de l’accident, alors qu’elle vivait l’horreur, je dormais paisiblement.

Je ne saurais dire combien de temps je ressasse ces colères. Peut-être toute la matinée. Prostrée.

Et puis, je réalise tout à coup que tout ceci est du passé, dépassé. A quoi cela mène de lui en vouloir ou de m’en vouloir ? Aujourd’hui, elle n’est plus là pour que je lui fasse des reproches. Et mes regrets sont stériles car rien ne pourra être réparé. Il ne reste que le néant.

Alors, ma rage et mon égarement s’estompe. Remplacés par des questions qui resurgissent. Celles des premières minutes, juste après l’annonce des policiers. Comment avais-je pu les oublier ? Comment avais-je pu penser à autre chose ? Il me faut les réponses. Ces questions m’obsèdent et ne cesseront plus jamais de m’obséder : A-t’elle souffert ? A-t’elle eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait ? M’a-t’elle appelée ?

A-t’elle souffert ? C’est la première question que j’ai posée aux policiers qui sont venus m’annoncer son décès. C’est également la question que je poserai plus tard au policier chargé de l’enquête sur l’accident. Les « non » rapidement bredouillés ne me convaincront jamais. La souffrance de l’enfant est la torture de la mère. Je la ressens au plus profond de mon être. Elle m’est insoutenable. Je veux qu’elle ne se soit rendu compte de rien, je veux qu’elle soit morte sur le coup. Pitié, qu’elle soit morte tout de suite.

Je suis sortie de ma torpeur par l’arrivée de l’employé des pompes funèbres. Aux questions qui s’accumulent dans ma tête viennent s’ajouter celles qu’il me pose. Des questions inimaginables la veille et auxquelles je suis sensée savoir répondre aujourd’hui. Mais je n’ai jamais songé à de telles questions. Elles me paraissent tellement surréalistes. Elles me donnent maintenant un pouvoir de décision morbide qui me révulse. Alors je réponds sans réfléchir, mécaniquement, à l’instinct :

  • La cérémonie ? Catholique. - La pierre tombale ? Avec sa photo. - Le type de cercueil ? Une annonce sur le journal ? Des invitations ? Le jour des obsèques ? …. Je ne sais pas.

Toutes ces questions me dépassent. Je ne suis surtout pas prête à y répondre. Préparer les obsèques de ma fille tel un évènement alors que je n’ai pas encore vraiment réalisé sa mort… Je suis abattue, tout ceci va trop vite. Ma famille prend le relais pour clore cet entretien.

Et puis on me traîne au commissariat de police où il m’a été demandé de passer. Sur le bureau, je distingue la photocopie de la carte d’identité de l’automobiliste qui l’a renversée. Le policier la regarde pour orthographier correctement son nom sur le procès-verbal. Il semble jeune, brun. C’est étrange comme sentiment. Cet homme que je ne connais même pas joue un des rôles les plus importants dans le cours de ma vie. Il a été le principal acteur du destin tragique de ma fille. Cet homme, jamais je n’aurais du le connaître sans ce coup du sort. Je ne le déteste pas, n’éprouve pas de rancœur, j’aurais simplement voulu ne jamais le connaître.

Le policier termine son procès-verbal et commence à me parler de l’accident. Je l’écoute tout en réalisant que je ne m’étais encore posé aucune question sur ses circonstances :

- L’automobiliste qui a heurté votre fille était sous l’état d’un empire alcoolique. Il a été placé en garde à vue. Ils étaient deux sur le scooter, votre fille et un garçon. A ce stade de l’enquête, nous pensons que c’est le garçon qui conduisait. Il est grièvement blessé. Vous devez porter plainte.

Et soudain je réalise également ce à quoi je n’avais pas songé : une victime. Ma fille est donc considérée comme une victime. Jusqu’ici je n’avais fait que l’incriminer, sans me poser de questions sur l’accident. Pourtant ces informations n’effacent pas totalement mon sentiment sur sa culpabilité ? Je ne parviens pas à m’enlever de l’esprit qu’elle a été avant tout victime de sa propre imprudence. C’est un sentiment injuste envers elle, je le sais. Je sais qu’elle n’aurait jamais voulu ça. Mais j’ai tellement bataillé pour qu’elle n’ait pas de scooter alors qu’elle m’en réclamait un depuis l’âge de quatorze ans. Et je revois son air de défiance quand, deux mois plus tôt, elle est venue me narguer avec son tout nouvel achat, fière de la liberté que lui avaient apportée ses dix-huit ans. Je me souviens l’avoir regardée partir juchée sur son engin, et la trouvant si exposée, si fragile et si inconsciente.

Le policier devant moi sort maintenant une enveloppe jaune du tiroir. Il en extrait des objets, des bijoux. Il les sort l’un après l’autre de l’enveloppe et me les présente, avant de noter sur son ordinateur : un bracelet plaqué or avec un petit cœur … Une chaîne argentée avec un anneau … Un collier de perles roses … Je les regarde, interloquée. Je ne les reconnais pas ces bijoux fantaisie. Des colliers, des bracelets inconnus. Et, au fur et à mesure de chaque bijou dévoilé, l’espoir fou : puisque je ne les reconnais pas, ce n’est peut-être pas ma fille ! C’est sûrement une autre personne qui avait ses papiers d’identité. Il me prend un espoir fou… Puis tout à coup, la bague. La bague que je lui avais offerte pour ses dix-huit ans. Le couvercle se referme brutalement sur mes espoirs pour me replonger immédiatement dans le noir le plus profond. Je fixe la bague du regard, elle est posée sur le bureau. Je demande au policier si je peux la prendre et la mets à mon doigt. Cette bague était pour elle. Elle aurait dû vieillir avec, la serrant entre ses doigts les jours où je lui manquerais trop, plus tard lorsque j’aurai disparu. Mais c’est l’inverse qui se produit. C’est moi qui la porte depuis ce jour, comme le symbole de l’injustice de la vie.

Cette nuit-là, je suis incapable de trouver le sommeil. Le choc de l’annonce de l’accident, qui jusqu’ici m’avait paralysé, est désormais derrière moi. J’ai réalisé désormais, ma fille est morte. Elle n’est plus qu’un cadavre défiguré dans une morgue. Cette vérité m’arrache toutes les larmes qui n’avaient pas encore coulé. Mais dans la souffrance de l’acceptation, j’y vois très clair. La douleur m’apporte la lucidité. Et je sais désormais répondre avec détermination aux questions qui m’avaient parues si incongrues quelques heures plus tôt. Je sais ce que je peux faire pour elle. Mon rôle de mère continue au-delà de sa mort. Je ne peux pas la laisser comme ça. Je peux et lui dois de réparer l’horreur qu’elle porte sur elle. Elle ne sera pas enterrée comme c’était prévu. Elle sera incinérée pour éliminer les traces horribles que lui a laissées l’accident. Mais aussi pour que, le jour venu, nos cendres soient libérées ensemble, mélangées ensemble. Notre séparation ne sera pas éternelle. Ainsi, nous nous retrouverons.

Au matin, cette décision prise, je me sens apaisée, sereine. Et je suis désormais apte à prendre en main l’organisation des obsèques. Par chance, le changement que je demande n’affecte pas leur délai et la cérémonie est maintenue trois jours plus tard. Si mes proches sont surpris par ma décision soudaine, il n’en montre rien. Et bien que je n’aie pas le courage de leur expliquer les raisons de mon choix, ils le respectent.

2.

Des circonstances réelles de l’accident, je sais peu de choses. L’heure : une heure quinze du matin. Un automobiliste avec un taux d’alcoolémie légèrement au-dessus du seuil légal. Le scooter avec deux personnes à bord : ma fille et un garçon, grièvement blessé. Une route à quatre voies, les deux véhicules semblant aller dans la même direction.

C’est ce que m’a appris la police juste après l’accident. D’autres bruits ont couru, rapportés par des proches de ma fille. Le scooter a coupé la route à la voiture. Il voulait traverser pour aller prendre de l’essence à la station de l’autre côté. D’où venait cette version, je n’en sais rien. Il n’y a pas eu de témoin déclaré de l’accident et le jeune pilote du scooter disait ne plus se souvenir de rien.

Une enquête est ouverte pour déterminer les véritables circonstances de l’accident et les responsabilités. Mais ces résultats ne me préoccupent guère. Je ne ressens aucune impatience, aucune curiosité. Je sais très bien que, même si l’automobiliste porte l’entière responsabilité, j’en voudrais encore à ma fille. Je ne peux m’ôter ce sentiment, cette colère. D’autant qu’en discutant avec une de ses amies, j’en ai appris un peu plus sur le conducteur du scooter. Un garçon rencontré quelques jours auparavant et qui, d’après elle, conduisait tellement dangereusement qu’elle-même refusait de monter avec lui sur le deux-roues. Mais pas ma fille, dans son inconscience fatale.

Pourquoi suis-je si dure ? Sa bêtise l’a menée à une mort horrible. Jamais elle n’aurait voulu ça. Mais pourquoi la compassion que je m’efforce de ressentir est-elle si vite balayée par la rancœur ? Je devrais bouillir en attendant que l’enquête me dévoile le coupable de l’accident que je pourrais haïr de toutes mes forces. Mais, pour moi, quel qu’il soit, il ne représente que la fatalité. La fatalité d’une société où les dangers sont notoires et où le rôle des parents est d’en protéger les enfants et de les éduquer afin qu’ils les évitent. Devrais-je blâmer la société d’être ce qu’elle est, composée d’une part d’individus irrespectueux de leur propre vie et de celle des autres, ou dois-je en vouloir à ma fille d’avoir refusé de suivre mes conseils de prudence si inlassablement répétés ?

Je culpabilise de ne pouvoir m’ôter ce sentiment et je sais que ce n’est pas l’enquête qui l’effacera. Non, cette enquête ne m’intéresse pas.

Excepté sur un seul point. Elle pourra peut-être répondre à cette question qui m’obsède. A cette interrogation qui me ronge. A cette angoisse qui ne me quitte pas une seule seconde depuis le moment où j’ai appris la mort de ma fille. Comment a-t’elle vécu ses derniers instants ? La mort l’a-t’elle saisie tout à coup, simplement, sans qu’elle ait eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait ? Un choc, une forte secousse, et puis l’apaisement du néant. Sinon… Sinon, la souffrance, la terreur, la détresse, le froid et le noir de la nuit et du bitume. La route, le bitume : que ressent-on, allongé la nuit sur le bitume ? C’est dur, c’est froid. La conscience de l’horreur.

Je lui souhaite tellement d’avoir été tuée sur le coup.

«Non, elle n’a pas souffert » m’avait répondu l’agent de police. « Tuée sur le coup » indiquait le journal local au lendemain de l’accident. Mais qu’en était-il vraiment ? Cette interrogation majeure, seul intérêt réel que je porte à l’enquête, j’en avais informé mon avocat dès notre première rencontre. L’agent de police qui m’avait remis ses coordonnées m’avait affirmé qu’il était habitué à traiter ce genre d’affaires. Mais j’avais tenu à lui faire part de mes priorités. Je ne doute aucunement de ses capacités à me représenter durant le procès, mais j’attends de lui, avant tout, une réponse à la plus douloureuse question de ma vie.

Et même si j’appréhende la réponse qu’il m’apportera, elle mettra un terme à mon imagination morbide. A tous ces cauchemars incessants dans lesquels je vois ma fille mutilée, ou passant sous les roues de la voiture. Quelle que soit la vérité, au moins, elle mettra fin à l’angoisse du doute qui laisse la porte ouverte au pire de l’imagination.

Une imagination sinistre et débordante qui va hanter toutes mes nuits pendant deux ans. Jusqu’au jour où la réponse à mes questions m’est apportée. Sous la forme d’une grosse enveloppe dans ma boîte aux lettres. En voyant le tampon de l’expéditeur, mon avocat, je comprends tout de suite ce qu’elle contient. C’est un choc. Ca n’est pas sous cette forme que j’aurais voulu avoir la réponse. Je l’imaginais dans les paroles, certes sincères, mais bienveillantes de mon avocat.

Je reste là, sans parvenir à l’ouvrir. Je regarde l’enveloppe pendant plusieurs minutes. Le moment que j’attends depuis si longtemps est sur le point d’arriver. Il me suffit d’ouvrir ce courrier. Mon cœur bat à tout rompre. Mes mains tremblent. Je finis par décacheter le pli.

Il doit y avoir là près de trois cents pages, la copie complète du dossier d’instruction. Je commence à les feuilleter. Il y en a tellement. Comment trouver l’information qui m’intéresse au milieu de tout ça ? Je les parcours, une par une. Quelquefois, des informations retiennent mon attention.

REQUISITOIRE DEFINITIF DE RENVOI DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL … Aux environs de 1h10, le conducteur qui circulait au volant de son véhicule entrait en collision avec un cyclomoteur monté par deux personnes, circulant dans son sens de circulation. Suite au choc, les deux jeunes gens juchés sur le scooter étaient éjectés de leur engin. La jeune fille était tuée sur le coup, le garçon étant quant à lui conduit dans un état très préoccupant aux urgences de l’hôpital. Les premières constatations permettaient d’établir que la collision avait été latérale, le point de choc sur le véhicule se situant à l’extrémité de l’aile avant. Des traces de freinage sur près de 20 mètres étaient relevées. L’expert estimait que le véhicule avait « happé » le scooter bien avant de commencer à freiner, soulevant ainsi les passagers de l’engin avant de les faire retomber après le début des traces de freinage. Entendu par les services de police, le conducteur de la voiture expliquait avoir passé la soirée dans un restaurant et avoir, à cette occasion, consommé une demie bouteille de vin et un verre de vodka. Il n’avait pas eu le sentiment d’être en état d’ébriété et avait cru être en mesure de prendre son véhicule. L’autopsie du corps de la jeune fille permettait de conclure à un décès survenu des suites d’un traumatisme médullaire et cérébral lors de l’accident de la circulation. Il était mis en évidence des traces au niveau du cou de la victime qui permettaient de penser que la jeune fille portait un casque de protection. L’examen médical du garçon par un médecin expert mettait en exergue de multiples cicatrices avec notamment une déformation du pavillon de l’oreille gauche, une limitation ostéo-articulaire intéressant le rachis cervical, la hanche, le genou gauche, le poignet et la main droite, des troubles de l’équilibre, une impossibilité à la marche autonome. L’expert pensait vraisemblable le fait que l’intéressé ait été dépourvu de casque lors de la collision. L’importance des lésions crâniennes aurait été moindre si le casque avait été porté au moment de l’accident.

PROCES-VERBAL D’INTERROGATOIRE DU CONDUCTEUR DU SCOOTER… Question : La jugulaire de votre casque était ouverte, non verrouillée. Vous ne portiez donc pas de casque ? Réponse : J’affirme que je le portais bien mais j’ai l’habitude de rouler en ne verrouillant pas la jugulaire.

PROCES-VERBAL D’INTERROGATOIRE DE LA PERSONNE MISE EN EXAMEN… Je n’ai pas l’habitude de boire et j’ai simplement fait une exception ce soir-là afin de partager un moment de convivialité. Je me sentais en parfaite possession de mes moyens et je n’avais pas le sentiment d’être en état d’ébriété. Il n’y avait pas de trafic et j’avais véritablement l’impression d’être seul sur cette route. J’ai donc été surpris par la collision survenue car je n’avais perçu aucun véhicule avant qu’elle ne se produise.

RAPPORT D’EXPERTISE MEDICALE SUR L’AUTOMOBILISTE… Résultat des analyses. La recherche et le dosage d’alcool éthylique a donné un taux de 0,82 g/l. L’automobiliste était donc sous l’empire d’un état alcoolique lorsque le prélèvement de sang a été effectué. Le seuil d’ébriété se situe classiquement entre 0,30 et 0,50 g/l. Avec 0,82 g/l, une période d’excitation psychomotrice euphorique « ébriété » apparaît avec des modifications sensorielles, l’attention diminue ainsi que l’audition et les réflexes, et l’alcool donne la fausse impression que nos facultés intellectuelles semblent augmenter. En général, pour des taux supérieurs à 0,50 g/l, et pour les conducteurs de véhicules automobiles, on observe une altération de la vigilance, un rétrécissement du champ visuel, une diminution de l’attention et des réflexes, une atténuation de l’appréciation des distances, une perturbation de l’évaluation des risques et une tendance à transgresser les interdits bien souvent à l’origine d’accidents. L’alcool donne un faux sentiment de bien être et peut faire prendre au volant ou en moto des risques inutiles. La perception des obstacles est moins rapide, il y a répétons le, une baisse de la capacité à estimer les distances, la conduite peut être brusque, un freinage violent et brutal. L’alcool affecte donc gravement les aptitudes de conduite. L’alcool est à la fois un excitant et un sédatif et, chez certaines personnes, il peut provoquer une tendance à la somnolence, c'est-à-dire un état d’assoupissement peu profond, mais difficile à surmonter. Les risques d’accidents pour les conducteurs de véhicules automobiles sont multipliés par deux avec 0,50 g/l. Au-dessus de 0,80 g/l et jusqu’à 1,20 g/l, les risques sont multipliés par dix.

RAPPORT D’EXPERTISE JUDICIAIRE… Pour des raisons indéterminées, l’automobiliste a très certainement heurté le trottoir avant de happer sur sa partie arrière gauche le scooter en mouvement. Le véhicule a soulevé les passagers et leur scooter après sa descente du trottoir, pour les laisser retomber après le début des traces de freinage. L’automobiliste, par sa vitesse très importante, a continué sa trajectoire vers le milieu de la chaussée, le scooter plaqué sur son avant, coinçant ainsi le passager sur le capot avant. La passagère, au moment du choc, s’est écrasée sur le pare-brise pour venir heurter le haut du pavillon. Elle est restée plaquée à cheval entre le pare-brise et le pavillon de l’automobile jusqu’au début des traces de freinage de l’automobile. Au moment du freinage de l’automobile, la passagère du scooter a été projetée sur la chaussée. Le passager a été projeté en même temps que le scooter, au début de la phase de freinage. La trajectoire du passager a été de 41m avant l’immobilisation sur la chaussée. Son mouvement a été de forme parabolique puis s’est terminé en roulant sur la chaussée.

AUDITION DE TEMOIN… Je me présente à vos services suite à l’appel à témoin passé dans la presse locale. Nous circulions et soudain j’ai vu une personne me faisant signe de la main de ralentir ma vitesse. Je me suis alors exécutée et j’ai vu deux corps allongés sur la chaussée. Je me suis arrêtée car les sapeurs pompiers n’étaient pas encore sur place. Je me suis alors portée vers le garçon qui était étendu sur la voie de circulation. J’ai enlevé ma veste et l’ai couvert. Mon amie est allée vers la jeune fille et m’a dit qu’elle avait les yeux révulsés, concluant qu’elle était décédée. Tous les deux étaient vêtus de sombre. Un peu plus loin gisait un casque au sol. Entre ce casque et la jeune fille, une chaussure style « basket bleu » était également sur la chaussée. Il y avait également des plumes un peu partout, provenant de la doudoune de la jeune fille. Des débris de verre, de métal étaient éparpillés au sol sur une grande surface. Les deux personnes perdaient énormément de sang.

RAPPORT D’EXPERTISE MEDICALE JUDICIAIRE … certificat du docteur … Je certifie m’être rendu ce jour pour examiner le corps de la demoiselle décédée dans les suites immédiates d’un accident ce jour vers 1h15. Etat des lieux : le corps gît en décubitus dorsal au milieu de la chaussée. Il est noté : - un fracas crânio-facial, - un fracas thoracique, - une plaie profonde de la face postérieure de la jambe gauche.

PROCES-VERBAL DU SAPEUR-POMPIER… J’étais en service cette nuit-là et me suis transporté sur le lieu signalé d’un accident de la circulation. Dès mon arrivée, j’ai aidé un collègue à secourir le corps de la jeune fille. Cette dernière était allongée sur le dos à l’instar de l’autre jeune homme mais elle était totalement inconsciente et inerte. Son corps ne reposait pas dans une position naturelle et il paraissait disloqué. Je veux dire par là que chaque partie du corps paraissait vrillée puisque la tête, les jambes et le reste du corps n’étaient pas alignés et demeuraient orientés dans une direction opposée. Le médecin d’urgence est arrivé et a de suite indiqué qu’il était vain de continuer le massage cardiaque que mes collègues avaient entrepris sur la jeune fille car elle était décédée. Je confirme qu’elle ne manifestait déjà aucun signe de conscience à notre arrivée et qu’elle n’avait plus de pouls au niveau de la carotide. Le jeune homme quant à lui gémissait mais il ne s’exprimait pas. Il ne faisait que se plaindre en poussant des râles lorsque nous avons entrepris de le soigner.

Stop.

Je suis incapable de continuer. Je lève les yeux. Mon regard se pose sur une photo devant moi sur le meuble. Ma fille y sourit, elle est au milieu des chevaux en Camargue. Belle, heureuse et pleine de vie.

Je referme le dossier. Qu’aurais-je à y découvrir de plus de toute façon ? Un choc extrêmement brutal, un corps disloqué. Elles sont là mes réponses. Et je vais devoir apprendre à vivre avec la vérité. Cette vérité.

Les jours s’écoulent, noirs. Le soleil qui brille en ce début de printemps ne me réchauffe pas. La boule que j’ai au creux de l’estomac diffuse dans mes veines un liquide glacial. Paradoxalement, mes cauchemars ont cessé. Les doutes qui me hantaient ont maintenant disparu.

Et les images de ce corps disloqué qui m’obsèdent depuis la lecture du dossier s’estompent peu à peu. Je réalise que j’ai la réponse que je souhaitais. Et celle-ci m’apporte un certain apaisement. Bien que je ne saurai jamais vraiment ce que ma fille a ressenti dans l’accident, que je ne vivrai jamais sa peur, sa douleur, une chose me rassure. Toute cette horreur a été très brève pour elle. Le temps d’un éclair et tout était fini. Oui, j’en ai la confirmation : elle a été tuée sur le coup.



3.

Le dossier est toujours posé sur mon bureau. Je n’y ai pas touché. Je pourrais le ranger, mais je n’y parviens pas. Et je n’ai pas non plus la force de le rouvrir. Comment pourrais-je le mettre au fond d’un tiroir alors qu’il renferme l’évènement de ma vie ! Celui auquel je pense chaque jour. Celui qui me hante. Celui qui est ancré au plus profond de moi. Car, si en surface je donne l’impression de vivre, au fond de moi, je suis allongée, de nuit, sur le bitume froid. Et ma vie s’est arrêtée là.

Mais ce sentiment de mort est un leurre, ma vie ne s’est pas arrêtée. Ce n’est pas moi qui aie vécu l’accident, je n’ai pas souffert du choc, je n’ai pas connu la terreur, et je ne me suis pas vu mourir.

Voilà pourquoi je ne peux ranger ce dossier. Parce que je trahirais ma fille si je ne souffrais pas autant qu’elle. Et ma souffrance, je la trouve dans la lecture de son calvaire. Il faut que je lise.

Pourtant, quelque chose me retient : cette partie saine de mon esprit qui me hurle combien il serait absurde de m’infliger une telle torture, qui s’insurge contre l’indélicatesse de l’avocat de m’avoir mis entre les mains ces détails insupportables que je n’aurais jamais dû connaître.

Mais la part de raison qui se débat au plus profond de moi depuis des jours est peu de choses face à la torture morale que me procure le sentiment de trahison. Et c’est avec une sorte d’écœurement que j’entrouvre l’enveloppe pour ressortir la pile de pages. J’en ai déjà parcouru plus de la moitié la première fois. Je tourne les feuilles pour reprendre là où je m’étais arrêtée, au milieu de procès-verbaux qui me paraissent tous répéter encore et encore les mêmes témoignages, les mêmes faits, les mêmes constatations.

Et puis, tout à coup :

AUTOPSIE

La vue de ce titre me tétanise. Ma part de raison me martèle : stop, stop, jette-là. Mais ma main tourne la page d’entête, comme déconnectée de ma volonté. Et mes yeux, fixés sur ces pages, refusent de se détourner. Alors, ils survolent des mots qui s’imprimeront à jamais dans ce que ma mémoire a de plus sombre :

… Signes de la mort : lividités présentes, rigidité totale … Le visage est recouvert de sang …

Et je découvre en détail les maux causés par l’accident :

… Fracture des dents … Présence de mobilité anormale du cou … Pied en position latérale externe … Plaies … Lésions … Hématomes …

Chaque lésion mentionnée me fait mal, et il y en a tant. Ma pauvre petite fille, tellement abîmée !

Puis vient ensuite la méthodologie du dépeçage de l’autopsie :

… Ouverture du corps … Dissection de la nuque … Ouverture du cuir chevelu … Ablation de la calotte crânienne à la scie électrique … Dissection des plans musculaires du cou … Cœur luxé puis retiré …

Rien ne lui est épargné. Il n’y a pas une partie de son corps, pas un organe qui ne soit mis à nu, extrait, pesé, et examiné dans le détail.

De la torture morale, je passe à l’horreur et à l’indignation : elle ne méritait pas ça ! Pourquoi infliger à ce corps meurtri des mutilations supplémentaires? Je devrais être reconnaissante du sérieux accordé par le système judiciaire à établir les circonstances précises qui ont causé la mort de ma fille. Et pourtant, je ne suis qu’amertume. Elle est morte dans un accident, un banal accident de la route ! N’est ce pas assez cruel comme ça ? Etait-il besoin de la traiter comme un vulgaire cadavre à disséquer ? C’était ma petite fille !



4.

Voilà, au paroxysme de l’horreur, j’arrive à la fin du dossier d’instruction. Il ne reste plus que quelques pages. Je les survole sans trop d’attention maintenant : analyse des prélèvements de sang, rapport de police, déposition de témoins arrivés sur les lieux après l’accident, … Elles ne contiennent de toute façon rien de nouveau pour moi. Jusqu’à … Jusqu’à une phrase qui me coupe le souffle. Qui balaye de quelques mots l’apaisement apporté par la réponse tant attendue, qui redonne vie à mes pires cauchemars et qui me condamne à vivre dans les affres du doute. Une phrase prononcée par un des premiers témoins arrivés sur les lieux après l’accident :

« Son pouls était faible mais elle était encore vivante. »

Quelques pages plus loin, un autre témoin confirme le pire :

« Ses yeux étaient fermés. J’ai pris son pouls qui était très filant. Elle paraissait respirer très faiblement. »

Elle n’est pas morte sur le coup. Elle n’est pas partie sans réaliser ce qui lui arrivait. Elle a connu le bitume froid. Alors de quoi ont été constitués ces derniers instants de vie ? Souffrance, terreur, douleur, détresse, solitude. Peut-être… Ou inconscience, état de choc. Peut-être…

Ce qui lui est arrivé n’appartiendra jamais qu’à elle. Mes doutes et mes cauchemars ne représenteront jamais cette vérité tellement réclamée.

L’incertitude : la voilà mon éternelle souffrance.



Pitié, pensez à vos mères

Les mois qui ont suivi, j’attendais.

Le vide s’est imposé. Pas un vide douloureux, mais un vide qui m’a laissée exsangue, anéantie, ayant englouti mon énergie, mes émotions. Je n’avais plus qu’une seule envie : dormir. Je passais mes journées à ça. Et à attendre. Oui, j’attendais. J’étais persuadée que je n’allais pas survivre, que mon corps n’allait pas résister à toutes les souffrances morales subies, que toute cette noirceur s’était encrée au plus profond de mes cellules et allait les détruire. La vision de mon avenir était simple. J’allais tomber gravement malade et mourir. Cela ne m’effrayait pas. C’était tellement simple, se laisser aller et attendre. Attendre de la retrouver. J’avais organisé mes obsèques pour cela : nos cendres à elle et moi mêlées là-haut dans ces montagnes que j’aime tant. C’était le seul avenir que j’espérais.

Mais les mois ont passé et aucune maladie ne s’est déclarée. Je me suis retrouvée désemparée, les bras ballants face à un avenir qui m’imposait de vivre. Et me renvoyant à ma propre lâcheté, car le courage aurait été d’interrompre moi-même une vie dont je ne voulais pas.

Alors, je n’avais d’autre choix que de reprendre mon existence là où je l’avais laissée. Comme si rien ne s’était passé. En donnant le change en chimères de sourires, d’intérêts, d’émotions diverses, de toutes ces choses qui constitue le quotidien. Cette mystification m’était tout aussi insupportable qu’elle était absurde. Vivre normalement sans ma fille, comme si elle n’avait jamais existé, cette pensée m’était intolérable. C’aurait été la trahir. Son histoire ne pouvait pas être effacée comme ca !

Je le lui devais. J’avais envie de parler d’elle tout le temps, à tout le monde. J’en avais mal à hurler. Et pourtant, je n’en parlais pas. Parler d’elle, c’était rappeler aux autres le drame que je vivais. Je voyais les visages se fermer, prendre un air affligé dès que je prononçais son prénom. Certes, ils m’écoutaient. Mais avais-je le droit de les plonger continuellement dans l’horreur de la perte d’un enfant ? D’exacerber leur propre chagrin du décès de ma fille ? Même raconter un souvenir joyeux avec elle me renvoyait leur malaise.

J’étais prise au piège contradictoire du silence et de l’obsession. Une obsession plus oppressante de jour en jour : ça ne peut pas s’arrêter comme ça. Il ne faut pas que cette histoire sombre dans l’inutilité. Il faut qu’elle ait un sens. Qu’elle laisse une trace.

Une trace indélébile … Ecrite.

Je ne sais plus exactement quand l’idée m’est venue. Mais elle s’est vite imposée comme une évidence, la seule. Il fallait que je mette sur papier tout ce que j’avais vécu. Que je témoigne dans l’espoir fou que notre histoire ait une répercussion, qu’elle provoque un électrochoc, et dans l’utopie que la mort de ma fille serve à sauver d’autres vies. C’est devenu mon seul et unique objectif. Je me suis plongée dans l’écriture. J’ai expulsé sur ces pages toute l’horreur, sans pouvoir m’arrêter.

Et dans ma frénésie, je sentais la présence ma fille, comme si elle était penchée sur mon épaule et me hurlait : « Dis leur, maman ».

Alors ces derniers mots sont pour elle, pour vous :

Pitié, pensez à vos mères. Ne leur faites pas vivre ça !

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